La nécessité d'une conscience active en neurothérapie
LE CERVEAU NE PEUT SE “REPROGRAMMER” SEUL SANS CONSCIENCE
Selon une étude publiée le 21 novembre 2023 dans eLife, les professeurs Tamar Makin (de l’Université de Cambridge) et John Krakauer (de l’Université Johns Hopkins) remettent en question le fait que le cerveau se réorganise tout seul, sans conscience active, en réponse à une blessure.
Ils affirment plutôt que le cerveau est entraîné à utiliser des capacités préexistantes, mais en latence.
Par exemple, on pensait qu’en cas de perte de la vue, le cortex visuel pouvait être “recâblé” pour traiter les sons. Il faciliterait ainsi l’utilisation de l’écholocation, tandis que des individus ayant subi un accident vasculaire cérébral pouvaient réutiliser d’autres zones du cerveau pour reprendre le contrôle des membres.
LA PLASTICITÉ CÉRÉBRALE A SES LIMITES
« L’idée selon laquelle notre cerveau a une incroyable capacité à se recâbler et à se réorganiser est séduisante. Elle nous donne de l’espoir et de la fascination. En particulier quand nous entendons des histoires extraordinaires d’individus aveugles développant des capacités d’écholocalisation presque surhumaines, par exemple. Ou de survivants d’un accident vasculaire cérébral retrouvant miraculeusement des capacités motrices qu’ils pensaient avoir perdues.
Cette idée va au-delà de la simple adaptation, ou plasticité : elle implique une “réaffectation” globale des régions du cerveau. Mais même si ces histoires peuvent être vraies, l’explication de ce qui se passe est, en fait, fausse ». A déclaré Krakauer, directeur du Centre d’étude de l’apprentissage moteur et de la réparation cérébrale à l’Université Johns Hopkins.
BARRER LA ROUTE AUX FAUX ESPOIRS ET À LA MAGIE
Makin, de l’Université de Cambridge (unité de cognition et des sciences du cerveau du Medical Research Council (MRC)) a déclaré :
« La capacité du cerveau à s’adapter aux blessures ne consiste pas à réquisitionner de nouvelles régions cérébrales à des fins totalement différentes. »
« Ces régions ne commencent pas à traiter des types d’informations entièrement nouveaux. »
→ Il est crucial de comprendre la véritable nature et les limites de la plasticité cérébrale. Définir des attentes réalistes concernant les patients et guider les cliniciens dans les approches de réadaptation est primordial.
Makin ajoute : « Ce processus d’apprentissage témoigne de la capacité de plasticité remarquable, mais limitée, du cerveau. La réflexion plutôt que la réalité. Il s’agit d’un voyage lent et progressif, qui exige des efforts et de la pratique persistants. Reconnaître cela nous aide à apprécier le travail acharné derrière chaque histoire de rétablissement. Nous adaptons nos stratégies en conséquence. Tant de fois, la capacité du cerveau à se reconnecter a été décrite comme « miraculeuse ». Or, nous sommes des scientifiques et nous ne croyons pas à la magie. Ces comportements étonnants que nous observons sont enracinés dans le travail acharné, la répétition et l’entraînement. Et non dans le réaffectation magique des ressources du cerveau. »
PRENDRE CONSCIENCE DE SON ÉTAT POUR LE MODIFIER
L’idée que le neurofeedback peut équilibrer “tout seul” les ondes du cerveau est tout simplement fausse et non prouvée scientifiquement.
D’ailleurs, le propre de la magie, c’est justement le fait qu’on ne puisse l’expliquer.
Or, en neurofeedback, le but est de pouvoir comprendre et expliquer tous ses ressentis. De corréler les données chiffrées qui s’y réfèrent pour changer ces mêmes ressentis et/ou comportements au quotidien.
Cela passe par 3 phases distinctes :
- la phase de normalisation : elle permet de diminuer l’écart-type de +ou – 2 par rapport à la « norme »
- la phase de généralisation : elle sert à généraliser les compétences apprises devant l’écran aux tâches quotidiennes
- la phase de consolidation : la personne n’a plus besoin de s’entraîner pour ressentir et agir selon ses objectifs. Une évaluation 10 ou 12 mois après la fin de l’entraînement en cabinet permet de confirmer l’acquisition de ces nouveaux comportements neuronaux.
La formation d’une pensée est un grand mystère. J’ai la même sensation de grandeur lorsque je rentre dans une forêt. Les arbres ressemblent à des neurones, avec leurs axones (le tronc), les dendrites (les branches), les feuilles, les racines.
— Xavier Vasques
LA RÉUSSITE DÉPENDANTE DE LA CONSCIENCE, DE LA VOLONTÉ, DU TRAVAIL ACTIF, DES EFFORTS ENGAGÉS, DE LA RÉPÉTITION
La rétroaction biologique n’est qu’un moyen pour le patient de prendre conscience de ce qui se passe dans son corps quand il effectue certains mouvements, qu’il se détend ou qu’il se concentre… C’est un peu comme s’entraîner devant un miroir.
L’implication de la personne est au cœur de l’engagement pris dès le début des séances de neurothérapie.
Les efforts actifs, la volonté, le travail et la répétition donnent des résultats pérennes et mesurables.
LE NEUROFEEDBACK EEGQ
C’est ce que nous enseignons à l’Institut Neurosens. Il apporte des informations individualisées concernant la fréquence des ondes cérébrales (comme les ondes delta, thêta, alpha, bêta). Ces ondes sont celles qui circulent d’un neurone à l’autre dans les différentes zones cérébrales (lobes frontaux, centraux, occipitaux, pariétaux, temporaux). Cette évaluation compare les ondes cérébrales avec celles de bases de données normatives.
Les données issues de l’évaluation EEGq présentent également les zones de tensions musculaires ou oculaires. Ces dernières sont liées à des parties du corps spécifiques.
L’analyse poussée et spécifique des données issues de l’EEGq permet de travailler à la fois la concentration, l’équilibre neuronal lié au neurofeedback, mais également la détente des muscles grâce au biofeedback. Ce dernier offre des données chiffrées quant aux tensions musculaires. Celles-ci sont enregistrées via des capteurs posés aux endroits tendus et/ou douloureux (mâchoire, nuque, épaules, mollets, etc.)
Le travail simultané de détente musculaire et d’entraînement cérébral permet de trouver un moyen d’atteindre des objectifs de performance ou thérapeutiques. Généraliser quotidiennement ces apprentissages est l’étape suivante de progression. Elle est possible grâce aux différentes phases d’assimilation des nouveaux comportements conscients à adopter.
Le travail actif de la personne est primordial pour comprendre et reproduire ces comportements. L’individu qui s’entraîne s’implique dans son entraînement en trouvant des stratégies internes. En effet, il cherche et se concentre afin de s’améliorer, progresser et faire évoluer ses données chiffrées.
LE BIOFEEDBACK
Des chercheurs de l’Institut des sciences du comportement de l’Université Radboud et de l’Université Erasmus de Rotterdam aux Pays-Bas ont publié des travaux en 2020 sur l’importance de l’implication active des personnes qui s’entraînent en Biofeedback.
Voici ce qu’il en résulte concernant la conscience active et la motivation :
“Nos recommandations en matière de conception découlent de ces points et mettent l’accent sur deux séries principales de suggestions. Tout d’abord, les interventions de biofeedback devraient fonctionner de manière optimale si elles mettent en œuvre tous les facteurs de notre modèle, y compris la conscience intéroceptive et les changements physiologiques, ainsi que les mécanismes cognitifs nouvellement proposés. Deuxièmement, ces interventions doivent être conçues de manière à ce que les individus restent intrinsèquement motivés et suffisamment engagés pour continuer à s’entraîner pendant plusieurs séances d’entraînement répétées.”
Et ce qu’il en est de la répétition des séances :
« […] nous avons postulé que la relation entre les changements dans la conscience intéroceptive et la régulation de l’anxiété au cours de séances individuelles peut être médiatisée par des changements dans les évaluations momentanées d’une personne, telles que l’auto-efficacité et le locus de contrôle. En outre, nous avons souligné l’importance d’une exposition et d’une pratique répétées pour obtenir des changements adaptatifs et durables dans l’état d’esprit de croissance, la réactivité au stress et la récupération, ainsi que les niveaux d’anxiété. »
CONCLUSION
Que ce soit en Neurofeedback EEGq ou en Biofeedback, l’implication physique, émotionnelle et cognitive du client est requise pour obtenir des résultats pérennes.
Ainsi, la réussite d’un entraînement en neurofeedback ne repose décidément pas sur la passivité de son utilisateur.
Le neurothérapeute écoute, comprend, aide, accompagne et conseille son patient/client en lui proposant des stratégies pour atteindre l’état souhaité : cet état qu’il devra chercher ensuite dans son quotidien pour se sentir mieux et exploiter son plein potentiel.
Si vous cherchez un neurothérapeute dans votre région, rendez-vous sur l’annuaire des membres ici : https://www.institut.neurosens.fr/institutneurosens/charte-engagement/annuaire-membres.html