
14 mars 2025 – Journée Nationale du Sommeil
Dormir mieux pour vivre mieux : l'urgence d'un enjeu sous-estimé
La Journée Nationale du Sommeil est une opportunité précieuse pour sensibiliser notre communauté à l'importance d'un sommeil de qualité. Elle nous permet de rappeler que bien dormir, ce n'est pas un luxe, mais une nécessité vitale. En adoptant une approche holistique, nous pouvons encourager chacun à prendre soin de son sommeil et ainsi améliorer durablement sa qualité de vie.
En cette journée dédiée, nous souhaitons vous sensibiliser à l’importance d’un sommeil de qualité, pour vous et vos enfants !
Bonne lecture.
La Journée Nationale du Sommeil est l'occasion de rappeler l'importance de cette fonction vitale que nous avons trop souvent tendance à sacrifier au nom de la productivité. Dans une société qui glorifie la performance, le sommeil est parfois perçu comme un frein à la réussite, un temps mort que l'on cherche à minimiser pour "rentabiliser" nos journées. Pourtant, cette vision occulte une réalité fondamentale : loin d'être un simple repos passif, le sommeil est à la fois le moteur de notre efficacité cognitive et un espace de régénération essentiel pour notre équilibre émotionnel.
Le mythe du sommeil inutile : une injonction sociétale
Dès l'enfance, l'école, le sport, les activités extrascolaires placent les enfants dans une logique de rendement. L'adulte, quant à lui, est soumis à une pression constante de productivité, où les longues journées de travail et la disponibilité permanente deviennent la norme.
On valorise ceux qui dorment peu comme s'ils étaient plus motivés, plus courageux. Cette glorification de la privation de sommeil a pourtant des conséquences profondes : elle détruit notre capacité à fonctionner de manière optimale et alimente une spirale de fatigue chronique et de stress.
Autrefois, faire "une grasse matinée" était un moment privilégié, un luxe de repos que l'on s'accordait sans culpabilité. Aujourd'hui, cette pratique est souvent mal perçue, assimilée à de la paresse ou à une perte de temps. Pourtant, ces matinées prolongées de sommeil permettent au cerveau de fonctionner sur un mode de récupération essentiel, favorisant les ondes alpha, celles du repos avant l'action, qui préparent l'esprit à une meilleure efficacité cognitive et une meilleure gestion des émotions.
Le sommeil comme fondement de la performance cognitive
Les neurosciences l'ont démontré : un sommeil de qualité est indispensable à l'apprentissage, à la concentration et à la mémoire (Schroder et al., 2024). Pendant le sommeil, le cerveau traite et consolide les informations acquises dans la journée, réorganise les circuits neuronaux et permet à notre système nerveux de se restaurer.
Un manque de sommeil chronique altère la prise de décision, réduit la capacité d'attention et détruit la créativité (Lord, 2023). Les performances intellectuelles et physiques sont diminuées, et paradoxalement, notre efficacité au travail en souffre.
Un bon sommeil permet également d'éviter de devoir fournir artificiellement le manque d'énergie par des substances comme la caféine ou d'autres stimulants au réveil. De la même façon, la difficulté à relâcher la pression en fin de journée pousse nombre de personnes à utiliser des relaxants comme l'alcool. Ces pratiques, devenues banales et souvent encouragées socialement, révèlent en réalité un profond déséquilibre dans la gestion de nos rythmes biologiques. Elles traduisent un oubli de notre lien avec les cycles naturels qui régissent nos organismes et la nature environnante.
Un enjeu de santé publique majeur
Les troubles du sommeil sont au cœur de nombreuses pathologies modernes, depuis la naissance jusqu'à la fin de la vie. Ils influencent le développement neurologique de l'enfant, perturbent les fonctions immunitaires, augmentent les risques de maladies cardiovasculaires, de troubles métaboliques comme le diabète, et sont directement liés à des troubles psychiatriques tels que la dépression et l'anxiété (Coelho et al., 2022).
Dans notre approche en Neurothérapie Intégrative, nous considérons le sommeil comme l'un des cinq piliers fondamentaux de l'équilibre psychophysiologique. Dans le cadre de la prise en charge des troubles du sommeil, chaque approche à sa place et peut apporter des bénéfices uniques. Les traitements conventionnels, notamment les médicaments prescrits, sont parfois nécessaires pour répondre efficacement à certaines situations. Les rechutes de dépression, par exemple, sont fréquemment liées à un trouble du sommeil non pris en charge (Wang et al., 2022), et dans les troubles neurodéveloppementaux (TND) comme le TDAH, le sommeil n'est pas une simple comorbidité mais un facteur central de la dysrégulation cognitive et émotionnelle.
Il est essentiel de souligner l'impact paradoxal du traitement pharmacologique du TDAH, notamment avec le méthylphénidate, qui altère davantage la qualité du sommeil alors même que celui-ci joue un rôle clé dans la régulation attentionnelle et émotionnelle (Clayborne et al., 2022). En cherchant à masquer les symptômes par des médicaments qui perturbent encore plus le sommeil des enfants et des adultes, nous entretenons un cercle vicieux au lieu de chercher à rétablir leurs rythmes biologiques naturels.
L 'alerte de la HAS sur les somnifères
La Haute Autorité de Santé (HAS) recommande de limiter la prescription des somnifères à quelques semaines seulement, en raison de leur faible efficacité à long terme et des risques accrus de dépendance (HAS, 2012). Pourtant, malgré ces recommandations, l’usage prolongé des benzodiazépines et autres hypnotiques demeure largement répandu. Une meilleure prise en charge des troubles du sommeil passe par des solutions alternatives centrées sur la régulation des rythmes biologiques et les thérapies non médicamenteuses (VIDAL, 2024).
Apnée du sommeil : un trouble sous-estimé
Un milliard de personnes touchées dans le monde
Le syndrome d’apnées obstructives du sommeil constitue un problème de santé publique sous-estimé, pourtant majeur : on estime qu’une personne sur 10 souffre d’apnées nocturnes dans le monde. En France, 1,8 million de patients seraient actuellement traités par pression positive continue (aussi appelée CPAP) pour un syndrome d’apnées du sommeil.
Le vieillissement de la population et la prévalence croissante de certains facteurs de risque (obésité, syndrome métabolique…) devraient conduire à l’augmentation du nombre de personnes concernées, avec des conséquences sur l’organisation du système de soins et de sa capacité à prendre en charge tous ces patients. Cette perspective incite à développer des méthodes diagnostiques, de traitement et de suivi innovants.
Apnée du sommeil et manque de spécialistes : un trouble sous-estimé
L'apnée du sommeil, en particulier le syndrome d'apnées-hypopnées obstructives du sommeil (SAHOS), constitue un trouble majeur qui altère la qualité du sommeil et a des répercussions graves sur la santé cardiovasculaire et la longévité (Association Pulmonaire du Québec, 2024). Non traitée, cette affection est associée à une augmentation du risque de mortalité et de maladies métaboliques telles que le diabète de type 2 et l'hypertension artérielle (La Presse, 2024).
Le SAHOS est également un facteur aggravant des troubles de la vigilance diurne, augmentant le risque d'accidents de la route et d'erreurs professionnelles. Pourtant, il reste largement sous-diagnostiqué, ce qui retarde la mise en place de traitements efficaces comme la ventilation en pression positive continue (PPC) ou les dispositifs d'avancement mandibulaire (Elsan, 2024). Bien que ces solutions apportent un soulagement temporaire, elles ne constituent qu'une réponse palliative qui ne s'inscrit pas dans une démarche de prévention et de correction durable des troubles sous-jacents.
En France, la situation est encore plus préoccupante pour les enfants. Il existe très peu de spécialistes du sommeil formés pour détecter et traiter les troubles du sommeil dans les populations pédiatriques. Ce manque s’explique en partie par l'absence ou la rareté des formations universitaires spécialisées (Diplômes Universitaires - DU) sur le sommeil des enfants. De nombreux troubles du sommeil pédiatriques, tels que les apnées obstructives, les insomnies comportementales ou encore les troubles du rythme circadien, ne sont ni évalués ni pris en charge correctement, retardant ainsi des interventions pourtant essentielles au développement neurocognitif et émotionnel de l’enfant.
Un manque de sensibilisation et de formation spécifique sur les troubles du sommeil chez l'enfant peut parfois conduire à une sous-estimation de ces problématiques et à une orientation vers des solutions qui ne répondent pas toujours aux besoins des familles. Encourager le développement d'une formation plus approfondie et d'outils pratiques pour les professionnels de santé pourrait ouvrir la voie à une meilleure compréhension, un repérage plus clair, et une prise en charge globale et adaptée des troubles du sommeil infantile.
Vers une approche intégrative du SAHOS à travers le Système Tonique-Ventilatoire (STV)
Plutôt que de se limiter à des solutions mécaniques ou pharmacologiques, il est essentiel de promouvoir une approche intégrative du SAHOS en le considérant dans le cadre plus large du Système Tonique-Ventilatoire (STV). Le STV regroupe l’ensemble des interactions entre la posture, la respiration et la tonicité musculaire, qui sont déterminantes dans la régulation du sommeil et la prévention des troubles ventilatoires nocturnes.
Un dysfonctionnement du STV entraîne des compensations inadaptées pouvant aggraver les troubles respiratoires et leur impact sur la qualité du sommeil. Ainsi, il est nécessaire d’adopter une approche systémique qui inclut :
- Éducation tonique-ventilatoire globale : Restaurer la synchronisation entre les praxies de la succion-déglutition et la mastication, redonne la tonicité aux muscles oropharyngés, y compris la langue, le diaphragme et les muscles du plancher buccal, afin de prévenir l’affaissement des voies aériennes supérieures. Cela est particulièrement fréquent chez les enfants présentant un Trouble du Neurodéveloppement (TND) qui souffrent d’hypotonie générale des muscles axiaux du corps, véritable colonne vertébrale du STV.
- Coordination posture-respiration : Une mauvaise synchronisation entre les muscles posturaux et respiratoires perturbe l’équilibre du STV. L’optimisation de cette coordination permet de restaurer un schéma ventilatoire physiologique, réduisant ainsi les résistances des voies aériennes supérieures.
- Développement d’une ventilation nasale fonctionnelle : L’objectif est d’éduquer l’enfant à utiliser correctement la respiration nasale, qui favorise la filtration et l’humidification de l’air, optimise l’oxygénation cérébrale et réduit les troubles du sommeil.
- Approche neurophysiologique et biofeedback : L’entraînement du STV via des outils comme le biofeedback et le neurofeedback EEGq permet d’améliorer l’autorégulation du système nerveux autonome et celle des rythmes cérébraux impactant directement la stabilité du sommeil et la régulation ventilatoire nocturne.
En prenant en compte ces différentes dimensions au sein d'une même prise en charge, nous cherchons à compléter les approches existantes en favorisant une dynamique préventive, qui s'inscrit dans le respect de la physiologie globale de chaque individu.
Conclusion :
La Journée Nationale du Sommeil nous rappelle à quel point le sommeil est essentiel pour notre santé, tant pour les enfants que pour les adultes.
Il est crucial de reconnaître que la qualité du sommeil est tout aussi importante, voire plus, que la quantité d'heures passées à dormir. Un sommeil de mauvaise qualité peut avoir des conséquences majeures sur le bien-être physique, mental et émotionnel, affectant la concentration, l’humeur et même la santé globale.
Nous encourageons donc les parents à veiller attentivement à la qualité du sommeil de leurs enfants, et chacun d’entre nous à prendre soin de son propre sommeil.
Agir sur la qualité du sommeil, c’est investir dans une meilleure santé et un avenir plus serein.
Bibliographie
- Haute Autorité de Santé (HAS). (2012). Trouble du sommeil : stop à la prescription systématique. www.has-sante.fr
- VIDAL. (2024). Les traitements de l'insomnie. www.vidal.fr
- Association Pulmonaire du Québec. (2024). Apnée du sommeil. www.poumonquebec.ca
- La Presse. (2024). L'apnée du sommeil augmente le risque de mortalité. www.lapresse.ca
- Elsan. (2024). Apnée du sommeil : causes et traitement. www.elsan.care
- Clayborne, Z. M., Dopko, R. L., Wang, C., Betancourt, M. T. (2022). Entre durée et qualité du sommeil et indicateurs de santé mentale chez les jeunes et les adultes. Canada.ca.
- Schroder, C., Zanfonato, T., Royant-Parola, S. (2024). Sommeil et santé mentale chez l'enfant et l'adolescent. Bulletin de l'Académie Nationale de Médecine, Elsevier.